Bonjour Isa,
Je vais essayer de vous répondre le plus simplement et le plus sincèrement possible, et pardonnez-moi si je suis maladroite. Je fais le pari que la maladresse vaut mieux que le silence…
L’évolution va trop vite… pour vous. Vous n’avez pas eu le temps de vous faire à l’idée que vous aviez perdu votre maman.
Personnellement, j’ai « perdu » mon mari un soir de septembre, un jour de crise de démence, où il m’a volé de l’argent et poussé contre un mur en voulant me le reprendre ; plus je criais, plus il poussait ; et ses yeux ne me reconnaissaient plus, ils avaient cette lueur de démence… C’était traumatisant, mais je n’ai pas pu nier l’évidence : il était « autre ». L’homme que j’ai tant aimé est mort.
Aujourd’hui, je m’applique à créer de bonnes conditions de vie à son fantôme. Mais c’est une question de dignité, le résultat d’un long combat.
Je suis « détachée », mais je me souviens très bien de mon état quand la maladie descendait de palier en palier : dès qu’on s’habitue un petit peu à l’état du malade, hop, ça change !
Je ne vois plus/pas cette maladie comme une dégradation, mais comme un endormissement, une anesthésie. Ces personnes ne souffrent pas, elles déconnectent très lentement de la réalité et ont quelques sursauts. Personnellement, je préfère qu’il en soit ainsi : je n’aurais pas voulu que mon mari souffre, je ne l’aurais pas supporté. C’est idiot, mais c’est comme ça.
N’essayez pas de discuter avec votre maman, vous allez vous épuiser à cela ; son cerveau ne lui permet plus de réfléchir. Elle est dans l’auto-défense, et donc agressive. Je me suis fait traiter de « dingue » pendant des mois par un mari qui perdait la tête et refusait simplement d’entendre dire qu’il n’allait pas bien…
Le plus difficile, c’est de laisser courir la maladie.
Pourtant, c’est ce qu’il faut apprendre à faire si vous voulez garder votre énergie. Arrêtez de lutter contre la maladie, luttez pour vous. C’est probablement ce que votre maman aurait voulu.
Vous avez l’impression d’avoir basculé, je connais bien, mais j’ai fait surface, et vous allez y arriver aussi.
Je pense bien à vous.